Libération, no. 7801
QUOTIDIEN PREMIERE EDITION
TELEVISION,
jeudi, 8 juin 2006, p. 30

Docu. Portraits de militants de la mouvance révolutionnaire.
La planète rouge du trotskisme.

AESCHIMANN Eric

Après la chute du mur de Berlin, dans ces temps de déliquescence politique et de cynisme ambiant, un mystère demeure : pourquoi l'espèce hybride du trotskiste a-t-elle survécu ? Comment des groupuscules souvent rivaux parviennent-ils à entretenir un espoir révolutionnaire, et même à le transmettre ? Répondre à ces questions est l'ambition du documentaire produit par Jacques Kirsner (un ex de l'OCI, l'une des trois formations trotskistes françaises) et dont France 2 diffuse ce soir la première partie. Un drôle d'objet télévisuel, à la fois lent et elliptique, émouvant et froid, passionnant et irritant. Les portraits se succèdent, aux quatre coins de la planète : un vietnamien converti au trotskisme en 1943, dans les baraquements parisiens pour travailleurs indochinois; un chauffeur de tram de Saint-Petersbourg qui se bat contre «la privatisation du palais du travail et yacht-club du syndicat»; une petite bande de Parisiens qui, à la fin des années 70, envoyait en Pologne des tracts cachés dans des exemplaires de la Vie catholique; une sénatrice brésilienne exclue du Parti des travailleurs de Lula, dont la voie rauque et fiévreuse semble à deux doigts de se briser; sans oublier Léon Trotski en personne, que des images tremblantes montrent au Mexique, juste avant sa mort. Le film lui-même paraît souvent sur le point de défaillir, de s'interrompre faute de combattants. Mais chaque fois l'histoire reprend ailleurs, avec un autre visage ombrageux accroché à sa lutte. Rien n'exprime mieux cette fragilité têtue que l'Internationale jouée à la guitare électrique façon Hendrix, qui revient comme un fil rouge.

France 2, 23 h 05. «Les Trotskistes» (1/2), scénario de Claude Askolovitch, réalisation de Guy Girard. Ce soir : «Le monde des trotskistes». Suite et fin jeudi 15 juin : «Les trotskistes du monde».

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